Une personne qui souffre d’une altération, d’une perte d’autonomie et qui est en incapacité de prendre les meilleures décisions pour elle-même peut être considérée comme vulnérable. Heureusement, des dispositifs existent pour protéger ces individus. On parle des mesures de protections pour les personnes âgées. Dans cette interview, Yannick Brudey, directeur adjoint de l’EHPAD Les Jardins de Belost, nous parle des différentes mesures de protections et de leur importance pour les résidents et leurs familles.
Qu’est-ce qu’une mesure de protection ?
Une mesure de protection c’est un dispositif juridique. Elle permet de protéger les personnes vulnérables ; par leur âge, par leurs handicaps ou leurs pathologies. En l’occurrence, en EHPAD, c’est un dispositif qu’on utilise régulièrement pour les personnes accueillies qui ne sont plus en capacité, du fait d’une altération, d’être autonome ou prendre des décisions de manière éclairée. Il existe plusieurs types de mesure en fonction des degrés des capacités des personnes à protéger. La mesure la plus connue est la mesure de tutelle ou mise sous tutelle. C’est la plus importante mesure de protection. L’objectif de cette mesure est de représenter la personne, appelée plus communément le majeur protégé et de faire à sa place, donc d’être son représentant légal. Cette mesure peut être prononcée pour 5 ans minimum et peut aller jusqu’à 20 ans.
la mesure de curatelle
La deuxième mesure de protection est la mesure de curatelle ou mise sous curatelle. C’est une forme d’assistance pour la personne protégée. Il existe deux types de mise sous curatelle :
- la curatelle renforcée où la personne chargée de représenter va également gérer l’aspect financier
- la mesure de curatelle simple, où là, le majeur est plus autonome, donc autonome dans sa gestion. La personne désignée l’accompagne et l’assiste sur les démarches administratives et prises de décisions importantes (gestion de patrimoine, héritage, etc.).
L’habilitation familiale est un nouvel échelon qui reste encore sous utilisé. En effet, c’est une mesure de protection qu’on peut dire allégée, qui est gérée en général par un parent de la personne à protéger. On parle de mesure allégée car contrairement aux mesures de tutelles ou de curatelles, les obligations administratives (ex :Compte rendu de gestion) demandé au représentant légal, sont moins importantes vis-à-vis du tribunal.
Il existe également la sauvegarde de justice. C’est une mesure intermédiaire, qui est prise souvent dans des situations d’urgence, de manière temporaire. En effet, ça laisse le temps au magistrat de statuer sur la mesure la plus adaptée.
A quel moment enclencher une démarche de mesure de protection ? Que conseillez-vous aux familles qui se pencheraient sur cette question ?
Il n’y a pas d’âge type, puisque comme on l’a vu tout va dépendre de l’état de la personne et de son environnement.
Par expérience, parmi nos résidents à l’EHPAD Les jardins de Belost, nous avons aussi bien des personnes avec et sans mesures. La famille prend très souvent la décision lorsque la dégradation des capacités de son proche l’alerte. L’entrée en EHPAD coïncide parfois avec la nécessité d’une mesure de protection. Parfois, c’est durant la vie du résident au sein de la structure que cette démarche est impulsée. En général, ce que nous conseillons le plus souvent aux familles, c’est de se rapprocher du médecin traitant. C’est souvent celui qui connait le mieux la personne âgée. L’ expertise d’un médecin apporte une évaluation/ un diagnostic pour soutenir la démarche.
Le plus important est d’avoir une observation régulière de son proche, observer les alertes, les modifications d’attitude ou de comportement. L’idée est d’être en capacité d’identifier une perte d’autonomie et de ne pas hésiter à se faire accompagner.
Ce que les familles doivent retenir, c’est qu’il faut dédramatiser cette action de mise sous mesure de protection. Elle est souvent vécue par la personne et voire par ses proches comme étant uniquement une mesure de contrôle, de restriction ; Il faut le voir, davantage comme son nom l’indique, comme une mesure de protection. Dans le sens vraiment de la protection de la personne.
Il faut que les familles soient au clair avec cette idée, pour pouvoir la présenter à la personne âgée. Si les familles elles-mêmes sont réticentes, ne sont pas à l’aise avec la démarche, elles ne vont pas pouvoir l’amorcer auprès de leurs proches.
Qui peut être tuteur ?
A l’EHPAD Les Jardins de Belost, on collabore aujourd’hui avec plusieurs types de tuteurs. Il y a les mandataires judiciaires privés qui sont des personnes indépendantes, habilités par la justice. La forme la plus connue, ce sont les associations tutélaires, appelé service de mandataire judiciaire à la protection de majeurs. Enfin, on a la famille, autrement dit, la désignation par le tribunal d’un membre de la famille pour assurer le mandat de protection.
Comment maintenir le lien avec le tuteur, lorsque ce dernier n’est pas un membre de la famille ? Comment faites-vous à l’EHPAD Les Jardins de Belost ?
Nous avons constaté que le lien avec le mandataire familial est différent. Pour cause, en général, le tuteur familial va gérer une seule personne, là où les mandataires professionnels ont un panel de majeurs protégés à accompagner.
La pandémie actuelle a complexifié les modalités de visites. A ce titre, au sein de l’EHPAD Les Jardins de Belost, nous avons mis en place un partenariat rapproché avec les services de tutelles, qui passe par des livraisons de produits correspondant aux besoins des résidents et des points réguliers administratifs et sociaux avec les professionnels.
Les représentants légaux interviennent également, lorsqu’il y a des problématiques importantes de santé par exemple. Lorsqu’il est nécessaire, nous organisons des concertations, des réunions pluridisciplinaires. En qualité de représentant légal, ils ont à donner leur avis avec, quand c’est possible, une collaboration avec la famille.
De l’expérience que vous avez, comment le résident vit une mise sous protection ?
La mise sous protection peut être difficile à accepter pour un résident. Celui-ci a le sentiment d’être déposséder de son autonomie, de son indépendance. On a plusieurs exemples à l’EHPAD, de personnes qui malgré leurs altérations, gardent en mémoire leurs souvenirs d’antan, où elles étaient autonomes et allaient faire leurs courses et autre. Actuellement, la mise sous protection ne leur permet plus d’avoir de contact à leur compte, à leur « livret ».
Des alternatives pour maintenir une reconnaissance sociale
Pourtant ce contact à l’argent, cet acte d’achat est parfois nécessaire pour avoir une reconnaissance sociale… C’est la raison pour laquelle nous avons proposé des alternatives, telle que la boutique éphémère qui permet à nos résidents de pouvoir faire des achats au sein même de l’EHPAD.
Nous avons également mis en place, le lolo ambulant qui est un petit chariot qui se balade à travers les unités. Il permet à nos résidents de se faire plaisir dans l’achat de sucreries, glaces, cacahuètes et autres mets. Enfin, on leur permet d’aller faire leurs courses à l’extérieur avec un argent de poche donné par les tuteurs. Nous mettons en place des accompagnements individualisés. Le but est de permettre au résident d’aller dans les magasins pour acheter ce dont il a besoin. Ainsi il recrée/maintient une forme d’autonomie.
Est-ce qu’une mise sous protection est définitive ?
Non, c’est une mesure qui n’est pas définitive. Dans un premier temps, le juge prononce un jugement avec une durée dans le temps. Puis, à l’issu, un médecin expert réévalue systématiquement pour acter la prolongation ou l’allègement ou l’arrêt de la mesure de protection.
Pareil, il faut savoir que les personnes sous mesure de protection, peuvent dans certains cas garder le droit de vote. Cela reste très important pour l’expression de leur voix.
Que pourriez-vous dire à une famille qui appréhende ce passage ?
Le conseil que je pourrais donner est d’être au clair au sein de la cellule familiale. Très souvent, c’est à ce moment-là que se dévoilent ou se révèlent des conflits intra familiaux. Souvent, il y a la notion d’argent qui reste sensible. En cas de conflit, il vaut mieux que ça soit un tiers qui puisse gérer. Ainsi la famille peut se concentrer sur la relation avec son proche et l’accompagnement dans cette perte d’autonomie. L’idée est qu’elle fasse la part des choses avec la partie administrative et financière.
C’est entre autres le contexte familial qui doit déterminer si oui ou non la gestion de la mesure sera interne ou externe à la famille. Et donc ça nécessite de se parler, de se voir, de faire des réunions de famille pour aborder ces sujets là en toute transparence.
Par quelle institution passer pour faire une demande de mise de protection ?
Il faut se rendre au greffe du tribunal du contentieux de la protection afin de récupérer la requête à remplir par les membres de la famille. De plus, il faut joindre à cette requête le certificat médical circonstancier du médecin expert et à transmettre au tribunal.
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